lundi 16 mars 2020

Lundi 16 mars 2020

Aujourd’hui, le médecin a augmenté la dose de morphine. Il trouvait qu’il grimaçait trop. Lui qui n’avait plus de sensation de douleurs depuis des années, allant jusqu’à plaisanter avec les pompiers qui étaient venus le chercher suite à sa fracture ouverte, semble récupérer ses sensations. Quel sale coup ! Même ça, on ne le lui laissera pas !

Ce soir, Emmanuel Macron a annoncé qu’on était « en guerre » contre le Covid-19 et qu’un confinement plus strict allait être mis en place dès demain, 12h, pour 15 jours.

Le médecin ne s’engage bien évidemment pas sur le temps qu’il reste à mon père. Ça ne dépend que de lui. Mais la date du 22 mars n’a plus d’importance à présent.

Je ne reverrai pas mon père vivant.

dimanche 15 mars 2020

Dimanche 15 mars 2020

L’EHPAD ne me laissera pas rendre visite à mon père.

J’ai passé un mois d’insouciance à l’autre bout du monde alors que c’était ses dernières semaines.

Je sais pas comment gérer ça.

samedi 14 mars 2020

Samedi 14 mars 2020

Réveil en larmes.

Je voulais pas arrêter de vivre.

Je voulais partir au Japon avec mon mari, être dépaysée, dans le sens premier du terme, déracinée, libre, sans maladie, sans angoisse du lendemain, sans routine ni culpabilité, je voulais vivre pour moi, pour nous, nous fabriquer de beaux souvenirs qui nous feront du bien quand la peine nous rattrapera, unis, soudés, ensemble, rien que nous, perdus parmi les 126 millions de Japonais.

J’ai beaucoup cherché ma place, ces dernières années.

Quand mon père, encore à la maison, s’est cassé la main dans une de ses malheureuses chutes et que l’anesthésie a complètement détraqué l’équilibre déjà chancelant de son cerveau, j’ai arrêté tout ce que je faisais, séance tenante, pour me rendre là-bas et apporter mon aide. J’avais la possibilité de le faire, alors je l’ai fait. Ces semaines m’ont beaucoup appris sur le lien qui nous rattache aux autres, sur les êtres que j’aime le plus au monde, sur moi aussi, d’une certaine façon, et pourtant j’ai eu le sentiment de me perdre encore plus.

Cela me semblait juste d’être là, le sommeil léger dans la nuit, à l’affut du moindre grincement qui indiquerait qu’il s’était de nouveau levé. Il fallait partager le fardeau de la maladie pour le rendre moins lourd.

Mais une nuit, j’ai fait l’un de mes plus atroces cauchemars. Mon mari, resté à Paris, apparaissait dans l’entrée de la maison familiale. « Je suis mort il y a une heure maintenant, c'est trop tard, tu ne peux rien faire pour moi. En revanche, ton père est tombé dans sa chambre, son corps bloque la porte d’entrée, il se vide de son sang, mais si tu y vas maintenant, si tu pousses de toutes tes forces, tu peux encore le sauver. »

Est-ce que j’avais fait le choix de laisser mourir mon couple ?

vendredi 13 mars 2020

Vendredi 13 mars 2020

Mon père est en train de mourir.

Mon père est en train de mourir et je n’ai pas le droit de lui rendre visite parce que l’EHPAD demande à ce que je respecte une quarantaine de 14 jours après mon retour du Japon. J’aimerais aller voir ma mère, la serrer dans mes bras, j’aimerais qu’on soit en mesure de se soutenir l’une l’autre comme on a pu le faire par le passé depuis le début de sa maladie, mais si je fais ça, elle ne pourra plus aller le voir non plus. L’institution protège ses résidents, je suis en mesure de le comprendre. De l'encourager, même. Cela ne diminue pourtant pas la frustration que je ressens.

Il y a 10 ans de cela maintenant, on lui donnait 3 ans. Cela fait 7 ans qu’il défie les prédictions. Dans un état terrible, une vie qu’aucun de nous ne voudrait avoir à endurer, mais s’il s’accroche et se bat autant, si cette volonté l’a animé si longtemps, c’est bien qu’il y a encore des choses qui en valent le coup.

Je ne sais pas si la volonté l’a quitté ou si la maladie a fini de ronger son cerveau.

Ça me terrasse de ne pas pouvoir être là avec lui, avec elle. Que se passe-t-il dans la solitude de sa chambre ?

lundi 2 mars 2020

Cafe Sekimiya, Hiraizumi

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Dans une ville de 7000 âmes, en plein hiver, ce n’est pas simple de trouver de quoi dîner. Le premier soir, nous avons mené une expédition pour dévaliser un konbini (petite supérette) de tous ses sandwiches à la fraise. En tout, 45 minutes d’un itinéraire aller contournant une voie rapide, entre champs et tunnel, de nuit, à la seule lumière de nos téléphones. Il s’avèrera ensuite que ladite voie était ouverte aux piétons et qu’on aurait pu économiser 30 minutes de trajet. Mais quand on aime les sandwiches à la fraise on ne compte pas ?

Le dernier soir, éreintés par notre journée, je pensais taper dans la réserve de gâteaux secs de secours. Mais le Grü m’a dit, sur le chemin retour de la laverie (qui avait une machine à laver LES SNEAKERS) : « ce soir on dîne au restau, je le sens bien ». Quiconque connaît notre exceptionnelle aptitude à ne jamais trouver de restaurants quand on en cherche sourit à la lecture de cette phrase et nous imagine à demi endormis, affalés sur nos futons recouverts de miettes. Au Japon, on dit qu’il ne faut pas hésiter à pousser la porte de ce qui ressemble à un restaurant. Mais distinguer une habitation d’un commerce n’est pas toujours si évident et la crainte de faire irruption dans un endroit privé est paralysante.
Nous avons un peu erré en ville. Le Grü, la truffe au vent, le ventre heureux de cette promesse d’un bon repas chaud, ouvrait la marche. Mon esprit était plutôt accaparé par la frustration de n’avoir pas été en mesure de tester la machine à laver les sneakers. Je ruminais en silence quand soudain il s’est arrêté, radieux. « C’en est un ! »

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Et il avait de bonnes raisons d’être si satisfait ; le Cafe Semiya est un petit joyau. Il est tenu par un enthousiaste jeune chef formé en Espagne et qui apprend le français grâce à des enregistrements qu’il écoute pendant qu’il cuisine. Son thazard atlantique était si parfait qu’il m’a fait revoir mon opinion sur le maquereau -et lui pardonner la cruelle absence de sandwich à la fraise en dessert.

Kumanosansha, Hiraizumi

J’aime les édifices anciens, les vieilles maisons recouvertes d’une gigantesque vigne-vierge, les toits de chaume coiffés d’iris, les sanctuaires au bois lissé par les intempéries, les couleurs tannées par le soleil, les vieilles glycines au bois tortueux. Alors forcément, là, ça partait mal. Mais c’était avant de voir 1/ ce corbeau qui interprète une gigue à trois pattes avec une branche de cerisier dans le bec

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et 2/ ce grand komainu qui retient son pote petit komainu de faire un scandale.

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dimanche 1 mars 2020

La foirade

Il y a un truc qui est vraiment pas mal quand on fait une carte d’un endroit, c’est de garder la même échelle pour toute sa surface. Parce que si la veille, tu as marché 30 minutes pour te rendre d’un point A à un point B, c’est incompréhensible que le lendemain, pour une distance similaire sur la carte, tu te retrouves paumée dans une zone industrielle d’activité commerciale (qui évidemment ne figurait pas sur la carte touristique). C’est une visite authentique certes (concessionnaires automobiles, pachinkos, 100 yens shops, chaînes de restauration rapide, centres de lavage auto, ...) mais assez éloignée du centre musée d’artisanats d’Iwate prévu.

Heureusement, pas loin de la gare se trouvait le sanctuaire Komagata joliment baigné de lumière (et qui ne figurait pas non plus sur la carte).

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samedi 29 février 2020

Le masque

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Il entre dans la petite gare de Hiraizumi avec une dégaine de filou des années 80. Il marche comme Takeshi Kitano dans « L’Été de Kikujiro ». Il a la mine plutôt renfrognée sous son bonnet kaki. Il s’assied sur un banc face aux prospectus de la compagnie ferroviaire.
Il entre dans la gare d’un pas calme. Il porte un costume sous un manteau coupé dans une belle et épaisse laine. Sa serviette en cuir et son feutre finissent de parfaire son allure respectable. La personne au guichet de la gare le salue, il répond d’un ton enjoué avec un sourire chaleureux. Ils échangent quelques mots, puis il avise le premier homme qui gigote sur son siège et l’interpelle en avançant d’un pas rapide vers lui. Ils se claquent les épaules en riant sincèrement.

Le train arrive en gare, les deux amis se séparent.

L’homme chapeauté enfile son masque, sort une pile de documents reliés d’une pince et s’absorbe dans une lecture sérieuse. Nous sommes assis presque en face l’un de l’autre.
Alors que je détaille le paysage, nos yeux soudain se rencontrent. Il pointe du doigt son masque. Je hausse les épaules en faisant une légère moue. Ils sont en rupture de stock partout où nous allons depuis notre arrivée. Il réouvre sa serviette, sort une pochette en plastique. J’agite rapidement les mains en disant non, non, je sais comme il est compliqué de les trouver. À la télévision, on voyait les files d’attente des personnes qui essayaient de s’en procurer. Il me tend autoritairement deux masques. J’ai à peine le temps de le remercier qu’il retire déjà le bouchon de son surligneur. Il ne lèvera plus les yeux.

Au Japon, on les porte avant tout pour protéger les autres de ses propres microbes. En cette période un peu compliquée, dans les lieux clos, c’est un geste de courtoisie qui permet d’éviter la paranoïa.

vendredi 28 février 2020

Gorges de Genbikei, Ichinoseki

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La journée a commencé sous la flotte. Ensuite, il a pas mal plu. On est allés voir les gorges de Genbikei qui, croyez-le si vous voulez, étaient pleines de flotte, mais de la jolie, tellement turquoise qu’elle en serait presque suspecte. On n’a pas pu vérifier que c’en était bien, de la flotte, parce que comme c’est l’hiver, le pont est fermé. Flotte alors !

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Après, on a attendu le bus sous la flotte, qu’on a pris sous la flotte pour rejoindre la gare sous la flotte. Alors une fois rentrés à l’auberge, on est allés faire trempette aux bains publics.

jeudi 27 février 2020

Chuson-Ji, Hiraizumi

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Première fois depuis le début de notre périple que nous avons pu tomber les doudounes. Ce vent de liberté nous a inspiré ; nous avons traversé à pied pas une, mais deux fois un passage à niveau. Excités par cet événement incroyable, toute à notre fureur de vivre, nous avons approché et apprivoisé un félin féroce qui errait dans la forêt de pins.

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Le Chuson-Ji est très connu pour abriter le Konjiki-dō, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est un bâtiment en bois dont la façade et l'intérieur sont recouverts de feuilles d'or, de nacre, d'argent et de laque. Impossible de dire si c’est joli ou non ; il est abrité dans un bâtiment, protégé par une vitre dont on ne peut s’approcher et plongé dans la pénombre. C’est forcément moins dramatique que le Kinkaku-Ji de Kyōto, bercé de lumière naturelle et se reflétant dans son étang avec le jardin qui l’environne.

Les divers temples qui composent le parc sont bien plus intéressants -et photographiables.

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Un peu plus loin, se trouve le sanctuaire shintoïste Hakusan et sa scène de théâtre nō, une véritable merveille.

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mercredi 26 février 2020

La merveille

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Longtemps que je voulais une de ces boites à thé. Comme pour tous les objets, j’attendais qu’elle m’appelle.
C’est au musée Kabazaiku Denshokan de Kakunodate que je l’ai entendue. D’abord un soupir, alors que je regardais cet artisan expert placer les pétales sur l’écorce lisse d’un pilulier. Puis un murmure lors de la contemplation des différentes pièces que composent le musée. À mesure que j’approchais de la boutique, le chuchotement s’intensifiait.

J’ai longuement observé l’impressionnante collection de boîtes à thé. Alors que j’allais refaire un tour, pensant opter pour une chazutsu brillante et rouge ornée de quelques pétales de bois clair, celle-ci, en écorce brute, adoucie de nacre, que je n’avais jamais vue nulle part ailleurs, jamais imaginée, est apparue. A-t-elle vraiment dit mon nom ? Est-ce un soudain rayon de soleil qui a donné un éclat particulier à ses pétales de nacre ? Est-ce la vendeuse qui, lassée de me voir toucher absolument tout ce qui composait son lieu de travail, a émis une légère protestation, me faisant me retourner et la découvrir ?

On ne saura jamais. Ce qu’on sait en revanche, c’est que ladite vendeuse ne devait pas s’attendre à ce que je sorte toutes les cuillères du panier pour déterminer laquelle irait le mieux avec mon nouveau trésor. J’ai pris celle-là car elle m’évoque un rayon de lune qui tombe doucement d’un ciel légèrement nuageux vers une mer calme.

En conclusion, je sais pas avec quoi ils collent les écorces dans ce musée, mais c’est fort.

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mardi 25 février 2020

Manoir de samouraï Ishiguro, Kakunodate

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Le manoir, enveloppé dans ses planches de bois clair, semble fermé, mais il est en fait simplement protégé des intempéries et du froid. Il fait bon dans la pièce principale grâce à l’irori ; pour la première fois, retirer ses chaussures est confortable. Même le vieux bois est tiède.

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Nous ne faisons pas le grand tour car la famille vit toujours dans les lieux, mais une jeune femme nous explique bien des choses sur la vieille demeure.

Elle nous raconte l’histoire de la famille, nous montre sur le mur le jeu de lumière créé par les tortues, symbole de longévité et de chance, et nous explique les fonctions des portes : une pour les hommes, une pour les dignitaires très importants (jamais utilisée par la famille en signe de respect) et une pour les clampins (comprendre les servants et les femmes -oui oui, même celles de la famille dudit samouraï). Je ne savais pas que les samouraïs étaient aussi des chefs d’exploitation agricole. Les champs devaient être sublimes avec tous ces fiers bonshommes en pleine armure, armoiries mon et drapeaux flottant dans le vent. Sûr que ça avait une autre classe, dans le temps, de cultiver ses patates !

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lundi 24 février 2020

Manoir du clan de samouraï Aoyagi, Kakunodate

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Le manoir du clan de samouraï Aoyagi est bien beau avec son grand jardin et permet aux visiteurs un peu crétins d’essayer un vrai casque, de porter une vraie lance et de soupeser un vrai katana. Je divulgâche ; les trois sont lourds.

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Biscuit, established in 1980, Kakunodate

C’était évidemment un mauvais calcul d’essayer de rallier l’hôtel depuis la gare sous la pluie. Quand elle a redoublé, il était trop tard pour revenir sur nos pas prendre un taxi. Nous sommes rentrés rapidement dans le premier café : « Biscuit, established in 1980 ». Mon année de naissance devient un gage sérieux de longévité ; cette information me donne envie de m’acheter une crème pour le contour des yeux et de rédiger des alexandrins désespérés sur la fuite du temps. La petite pièce est meublée de bric et de broc. Ici, des volumineuses piles de journaux et de magazines hors d’âge. Là, une étagère en bois, remplie de livres et de bibelots hétéroclites, à laquelle sont suspendus divers outils et du matériel d’escalade et de pêche. Ce n’est pas un simple commerce dont nous avons poussé la porte, c’est un véritable lieu de vie, personnel, bordélique.

La conversation battait son plein quand, deux minutes après notre arrivée, j’ai osé un timide « sumimasen ? ». Pépé est apparu par la porte de la remise, s’est précipité vers un chauffage à résistance électrique qu’il a rapidement branché à côté de l’une des deux seules tables qui n’était pas envahie de bricoles en tout genre. C’était bon de se réchauffer les pieds.

Je pensais que ça ne pouvait pas être mieux, et pépé est revenu dans la pièce avec sa mère. Minuscule, voûtée, elle s’est assise au bar pendant que son fiston s’affairait à la préparation de nos chocolats chauds. Il essayait de lui faire essuyer des verres, mais elle était bien plus intéressée par les morceaux de sucre en libre service que par le torchon.

Pas de photo de cet endroit, cela m’aurait donné l’impression de voler leur intimité.

dimanche 23 février 2020

Oirase Keiryuu

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Se réchauffer au foyer de cet hôtel est presque une expérience mystique.

Check ça

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Moi avec mon crew de mémés sûres, quand on va aux sources chaudes extérieures par des températures négatives à côté de cascades gelées t’as vu ouaiche le check de daronne.

Lac Towada

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H-1 avant l’avalanche de toit et de ces centaines de stalactites aiguisées que nous avons évité avec la souplesse et le flegme qui nous caractérisent. (Oui ; je parlerai de cet épisode TOUTE MA VIE.)

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samedi 22 février 2020

Mamoniwa et Towada Jinja

L’hôtel est au beau milieu d’une forêt dont les voies d’accès pédestres sont coupés par la neige. Dans notre immense chambre et dans le luxueux hôtel, nous cédons à un genre de claustrophobie sylvestre et décidons d’emprunter par deux fois la navette afin d’aller voir les cascades gelées de nuit puis de jour.

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C’est joli.

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C’est joli, mais sur place, on développe un rejet assez vif de la vie en troupeau. Sûr qu’ils ont un côté pratique, ces néobergers avec leurs bâtons lumineux. Ils nous mènent directement au point d’intérêt, on peut bouger dans un rayon de 5m et faire la queue sagement pour photographier tous la même cascade pendant 3 min. Mais ce qui compte n’est pas seulement la destination, voyez ? Surtout accompagné d’un type avec un bâton.

Alors on décide d’aller vivre nos vies d’êtres libres au vrai grand air, à 40 km de là, au lac Towada. Le concierge m’a regardé d’un drôle d’air quand je lui ai demandé de nous appeler un taxi. Le taxi lui-même a eu l’air un peu circonspect quand je lui ai dit où on voulait aller. Il a même hésité à nous laisser descendre là où on le souhaitait.

Mais cette fois, le pocket wifi était chargé, on avait nos batteries portables et même des gâteaux dans mon sac à dos. Il ne pouvait rien nous arriver. (C’était sans anticiper qu’à la fin de l’hiver, le soleil chauffe suffisamment les toits pour faire lourdement glisser les tonnes de neige sur les gentils touristes un peu paumés.)

Il se mérite, ce sanctuaire shinto, en hiver.

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Il a fallu glisser sur des plaques de verglas, tourner un peu en rond, arriver au torii, se rendre compte qu’on n’avait pas déjeuné, chercher un restaurant, n’en trouver qu’un, « manger » le pire katsu kare rice possible, acheter des pommes déshydratées en guise de dessert, revenir au torii, éviter les rallonges électriques qui parcouraient l’entrée, contourner quelques plots rouges dont on ne devinait plus que le haut dans le mètre de neige, patiner sur un peu de glace, manquer de se faire assommer par de la neige qui tombait des branches de pins centenaires et le voilà.

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Tout en bois, paisible dans son écrin blanc, doucement caressé par le soleil. Une fois de plus, nous sommes seuls au monde avec les sempiternels corbeaux qui crient « Froid ! Froid ! ». C’est prémonitoire : bientôt, ma chaussure droite va commencer à se découdre. Je m’en apercevrai en sentant une incursion glacée sur ma chaussette de laine en tentant de prendre un peu de recul pour photographier le haiden. Ma jambe disparaît, avalée par la neige. Le Grü me fait les gros yeux et ne me lâchera pas la main jusqu’à ce qu’il estime que nous sommes de nouveau en lieu sûr.

C’est pourtant une fois revenus au lac, les deux pieds bien campés sur la terre ferme et sèche, que le vrai pire a failli se produire : alors que nous allions passer dans l’étroit passage qui séparait deux bâtiments, un craquement, puis un raclement attirent notre attention vers les cieux. La neige, lourde, accompagnée de ses stalactites, cascade depuis le fond du passage en venant vers nous. Nous reculons rapidement et nous mettons à l’abri de l’auvent qui fait face au lac. Le calme revenu, nous contemplons ce nouveau mur de neige de trois mètres qui vient de se dresser juste devant nous.

La prochaine fois, je vous raconterai comment ce tas de neige a bouché le port de Marseille.

vendredi 21 février 2020

Asamushi Onsen

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Des embruns glacés portés par des rafales de vent polaire. La gorge pleine d’air, des apnées forcées. Des cheveux tellement emmêlés que les pointes venaient se lover contre les racines puis se tournicotaient en infâmes dreadlocks remplies de sel et de sable. Et toujours nos deux couillons hilares qui, à défaut de trouver ce satané onsen qui promettait eaux chaudes et bains bouillonnants, ont arpenté les digues en gueulant sur les vagues avant d’aller visiter une montagne qui s’est avérée hantée et qui a donc été redescendue fissa fissa pour aller visiter la montagne d’en face qui n’était pas habitée par le moindre esprit tellement elle était NULLE.

mercredi 19 février 2020

Hakodate City Museum of Northern People

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Je ne connaissais des Aïnous que ces « attushi », superbes vêtements créés à partir de fibres d’herbes, d’arbres, plus rarement de coton, aux motifs géométriques. Il s’agit en fait de broderies apotropaïques, réalisées par des épouses sacrément fortiches si on en juge par le matériel qu’elles avaient alors à disposition.

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Bonus : le directeur du musée qui pointe des éléments hautement nécessaires à la compréhension du mode de vie Aïnou.

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